jeudi 13 décembre 2018

Discussion sur les théories de l'apprentissage au regard de ma pratique professionnelle


Contextualisation :
Suite à nos lectures sur les théories de l’apprentissage (Ménard et St-Pierre, 2014; Ertmer et Newby, 2013), sur le constructivisme (Jonnaert, 2006), le cognitivisme (Tardif, 1998) et le connectivisme (Siemens, 2005), nous avons choisi d’élaborer une carte conceptuelle relative à notre compréhension de la théorie constructiviste de l’apprentissage. 

Carte conceptuelle : présentation et description
Cette carte conceptuelle, illustrant les relations entre concepts et mots clés, est disponible dans le fichier joint[1]. Elle peut être présentée sommairement ainsi :
Nous avons montré que l’évaluation de l’apprenant.e oriente son apprentissage, qu’elle peut aussi influencer la relation pédagogique entre l’enseignant.e et l’apprenant.e. Ainsi le décentrement de l’enseignement vis-à-vis de paradigmes et de savoirs codifiés qui sont aux fondements de leurs pratiques et représentations enseignantes universitaires, pour se rapprocher de l’apprenant.e, tendre vers l’apprentissage plutôt que vers l’enseignement et donc apprendre le lâcher-prise du contrôle par les seuls savoirs, versus les connaissances. Un tableau d’oppositions conceptuelles (enseignement/apprentissage, soi/apprenant.e et savoirs/connaissances) se dégage clairement de cette première phase d’analyse critique de la théorie constructiviste de l’apprentissage. Prenons un exemple illustrant la réflexivité[2] de notre approche et de notre expérience.
Parmi les pédagogies actives, on peut notamment compter l’apprentissage par problème, qui est un apprentissage actif en ce qu’il est responsabilisant, impliquant et motivant pour l’apprenant.e. « Learning by doing » (J. Dewey), ce que j’ai (comme apprenant.e en APP) à apprendre et à lire pour pouvoir valider mes hypothèses, les choix et savoirs être/faire que j’ai à faire/démontrer (comme apprenant.e), la considération du point de vue de tous pour tout réorganiser comme thèmes et objectifs d’apprentissage (comme enseignant.e), constituent certes des défis, mais nous permettent de mieux caractériser et comprendre ce qu’est et ce qu’implique l’APP[3] en mode universitaire. Ainsi les théories constructivistes de l’apprentissage ici analysées m’ont permis de faire émerger la triade conceptuelle de l’apprentissage actif que constitue l’APP : responsabilisation, implication et motivation. À ce sujet, on peut référer ici à l’adage de Benjamin Franklin, selon lequel « Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends », qui illustre bien en quoi et pourquoi, avec les étudiants du XXIe siècle, il est devenu plus que souhaitable d’encourager et plus encore de favoriser la transition de l’enseignant passeur (de savoir) à l’enseignant accompagnateur (de l’apprenant.e) à l’Université et avant.
Enfin, le développement de compétences transversales et de la flexibilité enseignante en mode collaboration et développement du travail en équipe, implique non seulement la secondarisation de l’enseignement (au profit de l’apprentissage), mais aussi et surtout la redécouverte d’un angle-mort de classes traditionnelles (hors-APP) : ne plus avoir à sous-estimer la valeur et la force du groupe quand arrivent les difficultés pour un.e apprenant.e en situation d’APP. À ce sujet, la métaphore du biologiste Yves Mauffette décrivant les étudiants passant de chapardeurs à producteurs quand ils passent de la surveillance à la débrouillardise, est très parlante. L’augmentation du succès individuel (réussite scolaire) pour aider l’équipe dans le cadre d’examens collaboratifs montre que l’évaluation oriente l’apprentissage (comme nous l’avons vu), plus précisément que l’APP (l’expérience plus que l’écrit) favorise la persévérance scolaire plutôt que la rétention étudiante, privilégie le questionnement continu de certitudes plutôt que l’évaluation finale de savoirs codifiés (en contribuant à l’autoapprentissage et à l’outillage critique plutôt qu’à la seule acquisition de connaissances théoriques). Cette valorisation de l’expérience personnelle plutôt que le suivi des savoirs théoriques, la remise en cause de grands récits plutôt que la reproduction de paradigmes dominants[4], constituent selon nous (carte conceptuelle) des compétences individuelles plus profitables aux apprenant.e.s, des connaissances acquises plus que des savoirs admis (codifiés par les communautés des savoirs dominants). Il en va donc de la dépolarisation entre le processus de construction de la connaissance et la prétendue réalité objective, qui ne nous semble pas a priori pouvoir s’extraire de son contexte, ni du sujet connaissant/apprenant, nécessairement situé dans le social, qui le définit et qu’il construit à son tour.  

Bibliographie:


Ertmer, P. A. et Newby, T. J. (2013). Behaviorism, Cognitivism, Constructivism: Comparing Critical Features From an Instructional Design Perspective. Performance Improvement Quarterly, 26(2), 43-71.

Jonnaert, P. (2006). Constructivisme, connaissances et savoirs. Transfert, (3), 5-20.

Introduction to Constructivism, Récupéré de https://www.youtube.com/watch?v=m_2Rwl0DnI4


Laflamme, A. (2008) Comprendre et utiliser les cartes conceptuelles. Bureau d’environnement numérique d’apprentissage. Université de Montréal.

Ménard, L. et St-Pierre, L. (2014). Paradigmes et théories qui guident l’action. Dans Se former en pédagogie de l’enseignement supérieur (pp.17-34). Montréal : Collection PERFORMA AQPC.

Novak, J. D. et Cañas, A. J. (2008). Les cartes conceptuelles. Théorie, construction et usages. : Technical Report IHMC CmapTools. Florida Institute for Human and Machine Cognition.

Rege Colet, N. & D. Berthiaume (Eds.) (2013), La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques. Tome 2 : se développer au titre d’enseignant du supérieur. Berne : Peter Lang.

Siemens, G. (2005). Connectivism: A Learning Theory For The Digital Age. International Journal of Instructional Technology and Distance Learning, 2(1), 3-10.

Tardif. J. (1997). La construction des connaissances. 1 Les consensus. Pédagogie collégiale ,11 (2), 11-19.


[1] Carte conceptuelle Cmap Tools.
[2] Ce billet et les autres adoptent une perspective de développement professionnel tenant compte d'une démarche d'APP reliée à ma pratique actuelle en techno-pédagogie, qui vise à contribuer à trouver des solutions face à des problématiques situationnelles (prosits). La compréhension de situations complexes reliée à ma pratique professionnelle, comme praticien réflexif (Schön), vise à analyser et à contribuer à résoudre des situations problématiques. Aussi mes billets s’inspirent de mon expérience exhaustive d'étudiant (scolarité doctorale en philosophie, doctorat en sociologie, séminaires interdisciplinaires doctoraux en sociologie des technologies, sociologie de l’environnement, études féministes, etc.).
[3] L’APP n’est pas un apprentissage actif qui n’a cours et lieu qu’à l’Université, mais qui est déjà utilisé et pratiqué au Cégep : http://www.appac.qc.ca/Pedagogie/pedagogieactive1.php Dans une vidéo à paraître sur la chaîne télévisée et YouTube de l’UQAM (vidéo dont j’étais responsable du design techno-pédagogique), une vidéo avec Yves Mauffette (UQAM) soulignera l’avant-gardisme du Cégep du Bois-de-Boulogne dans la mobilisation de cet apprentissage actif en sciences.
[4] Pour contribuer à l’évitement de cette reproduction systémique d’un paradigme théorique dominant de l’apprentissage, il y a fort à gagner en sensibilisant notamment à l’écueil du glissement épistémologique, à cause du présupposé théorique de révolution paradigmatique de telle ou telle théorie de l’apprentissage (Jonnaert, 2006). Voir notre troisième billet sur les fondements théoriques de l’apprentissage pour plus de détails à ce sujet. 

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