vendredi 16 novembre 2018

Le milieu universitaire et ses acteurs

Éléments de contextualisation générale :

Face au mythe persistant de la lente adaptation des Universités aux contextes sociaux évolutifs, peut-être particulièrement dans leur intégration des TICs à l’enseignement et à l’apprentissage, il est difficile de nous situer avec beaucoup de certitude; tant par rapport à l’Université (et à ses acteurs) que vis-à-vis de son évolution. Dans la mesure où cette évaluation de notre situation et une distanciation psychique est vraiment possible (comme étudiant et employé de l’Université), il nous faut d’abord procéder à une analyse minimale des questions posées (et superposées).

Compte-tenu des circonvolutions historiques qui ont marqué la lente évolution de l’Université, l’angle - très particulier - de l’adaptation universitaire aux TICs constitue certes un angle actuel, mais il est aussi un prisme déformant - et insuffisant à certains égards - pour pouvoir illustrer et justifier de cette lenteur présumée. En effet, la succession des modes pédagogiques nourrissant l’illusion de révolution paradigmatique et toutes les difficultés rencontrées en techno-pédagogie universitaire amènent aussi leur lot d’indices éclairant ce présupposé de lenteur universitaire et de soi-disant « résistance au changement » dont certains affublent très rapidement l’Université. L’idée n’est pas ici de cherche à la défendre, mais bien de contextualiser - plus et autrement - le rapprochement entre l’évolution de l’Université et son adaptation aux TICs (une adaptation qui semble assez souvent comprise comme étant une adoption et, sinon, comme une inadaptation).


Billet :

Ces éléments de contextualisation nécessaires maintenant précisés, l’introduction proposée est très éclairante et le découpage de l’histoire de l’Université québécoise opéré par Louise Ménard utile à situer notre propos. Cette introduction offre en effet quelques éléments contribuant à nous situer vis-à-vis de l’adaptation universitaire aux TICs, de la part véritable de leur intégration au sein de cette institution. Cela dit, dans la fin de sa présentation vidéo, la didacticienne pointe certains des nombreux questionnements et préoccupations méritant une réflexion critique sur la pédagogie universitaire.

Pour être supposément de plus en plus efficace, l’université spécialisée se heurte à l’explosion des savoirs, à la multiplication des programmes et - c’est là où ça apporte à notre réflexion - à une familiarité de la population étudiantes avec les TICs qui est souvent en décalage[1] avec celle des professeure.s, ainsi qu’à la manière dont les étudiant.e.s de demain apprendront. Dans la lignée critique de son analogie entre universités et entreprises (en ce que les premières seraient  tout autant guettées par la productivité et la concurrence que les secondes), on peut établir un lien avec la critique des limites d’adaptation de l’apprentissage aux apprenant.e.s (de plus en plus technologisé.e.s[2]) versus l’efficacité de la rétroaction en ligne par exemple.

Relativement à l’adaptation universitaire aux TICs et partant à l’importance de repenser le design pédagogique différemment de ce qui se fait en classe (design « techno-pédagogique » universitaire, pour le dire plus sommairement), sans doute faut-il apporter des nuances sur les capacités de l’Université à s’adapter aux étudiant.e.s du XXIe siècle à partir de caractéristiques d’étudiant.e.s sur la compréhension de la persévérance scolaire au baccalauréat par exemple.

Pageau et Bujold (2000) ont abordé la motivation sous l’angle des motifs qui amènent les jeunes de moins de 21 ans (et moindrement de 22 à 39 ans) à entreprendre des études universitaires (et « vouloir cheminer sans interruption ») ou sous l’angle du degré d’intérêt qu’ils manifestent pour le programme dans lequel ils/elles sont inscrit.e.s (mieux comprendre l’étudiant.e par plus de rétroaction sur son choix d’étude). Leur enquête ne se démarque pas significativement de la majorité des travaux menés sur les caractéristiques des étudiant.e.s (Viau et Joly, 2001); même si certains de leurs résultats, suggestifs bien que datés, restent inspirants quant aux mythes sur l’adéquation entre spécificités et vulnérabilités sociodémographiques/économiques familiales.  

Bien que nous pourrions nous attendre à ce que cela aille de soi, la compréhension de contextes dans lesquels évoluent les Universités ne passe pas toujours d’abord par celle de leurs acteurs-étudiant.e.s et de leur choix d’étude (sous d’autres angles, moins polarisants, que l’abandon et la persévérance scolaires aux études) et par la compréhension de leur adaptation à la manière d’apprendre et aux étudiant.e.s qui ont changé. S’il demeure difficile de cerner et de répondre de manière affirmative, par la littérature consultée, dans quelle mesure la manière d’apprendre et le portrait des étudiants ont changé avec l’arrivée des nouvelles technologies, l’éducation du futur nous paraît néanmoins devoir enseigner à s’attendre à l’inattendu (Morin, 2008[3]), c’est-à-dire devoir enseigner la compréhension.

Ce ne sont donc pas seulement les caractéristiques des étudiant.e.s qui viennent à la rescousse de la compréhension de la persévérance aux études (d’autant plus que cette persévérance est encore souvent pensée, binairement, en opposition à l’abandon des études postsecondaires). Il faut certes tenter de dresser un portrait des étudiant.e.s et de l’Université de demain, de leurs nouvelles manières d’apprendre (avec l’arrivée des nouvelles technologies); mais, contre toute apparence, l’Université demeurant un lieu de pouvoir et un marché, nul doute qu’elle ne tardera plus guère à faire autant une fin qu’un moyen : qu’elle parviendra à développer sa capacité et à mieux exploiter et mieux rentabiliser le numérique tant comme outil facilitant l’apprentissage que comme outil de recrutement d’autres étudiant.e.s au PCPUN.


Bibliographie :


Pageau, D. et Bujold, J. (2000). Dis-moi ce que tu veux et je te dirai jusqu'où tu iras. Analyse des données des enquêtes ICOPE : Les programmes de baccalauréat.



Viau R, Joly J. et Bédard D. (2001). Comprendre la motivation à réussir des étudiants universitaires pour mieux agir. Récupéré de




Viau, R., Joly, J. & Bédard, D. (2004). La motivation des étudiants en formation des maîtres à l’égard d’activités pédagogiques innovatrices. Revue des sciences de l’éducation, 30(1), 163–176. Récupéré de https://www.erudit.org/fr/revues/rse/2004-v30-n1-rse962/011775ar.pdf



Dyke, N. et Deschenaux, F. (2008). Enquête sur le corps professoral québécois. Faits saillants et questions. Montréal : FQPPU. Récupéré de http://fqppu.org/assets/files/themes/corps_professoral/rapport_ccp_dyke_deschenaux_novembre_2008.pdf



Prensky, M. (2001). Digital Natives, Digital Immigrant. On The Horizon. Vol. 9 No. 5. MCB University Press: Bingley. Récupéré de: https://www.marcprensky.com/writing/Prensky%20-%20Digital%20Natives,%20Digital%20Immigrants%20-%20Part1.pdf



Plantard, P., Le Mentac M. et Trainoir M. (2011). Pour en finir avec la fracture numérique. Limoges : FYP Éditions.



Wesch, M. (2007). A Vision of Students Today. Récupéré du site YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=dGCJ46vyR9o



Brooks, C. (2016). Study of undergraduate students and information technology. CO ECAR: Louiseville. Récupéré de: https://library.educause.edu/resources/2016/6/~/media/files/library/2016/10/ers1605.pdf



Ménard. L. (2016). Le milieu universitaire québécois : d’hier à demain (capsule vidéo, Service de l’audiovisuel de l’UQAM). Récupéré de https://www.moodle2.uqam.ca/coursv3/mod/uqamvideo/view.php?id=1148283



[1] Le terme de décalage nous semble une façon délibérée (pour ne pas parler de fracture numérique entre adultes et jeunes) et appropriée (pour traduire néanmoins une différence de développement numérique existante entre eux), qui permet de ne pas adopter la terminologie polarisante dans le débat sur les digital natives/immigrants; un débat qui oppose les immigrant.e.s numériques (adultes) aux natives et aux natifs numériques (jeunes). Il faut rappeler ici que le texte de M. Prensky (2001) a fortement capitalisé sur l’idée de fracture numérique, avec laquelle certains ont cherché à en finir (Plantard, P., 2011); fracture qui tendrait à se déplacer plus qu’à ne se réduire (une hypothèse que l’éducation numérique des personnes âgées et des personnes vulnérables tend à confirmer, sur le terrain communautaire de l’éducation populaire). Bien que ce terme soit rendu galvaudé, il est toujours utile et plus que nécessaire pour comprendre certains écarts, ce décalage de familiarité avec les TICS entre adultes et jeunes, ainsi que les manières dont ceux de demain apprendront.
[2] On peut notamment retenir de la vidéo avec l’anthropologue culturel Michael Wesch (2007) certaines clés communiquées aux penseurs de l’éducation, notamment par l’instillation d’observations tirées de son travail d’ethnographie digitale et de sa philosophie de l’anti-teaching face à la « crise de sens » qui secoue le monde de l’éducation. Celle-ci serait devenue selon Wesch une sorte de « jeu de notes » relativement dénué de sens pour nombre d’étudiant.e.s; mais ce problème disparaîtrait à mesure qu’ils/elles réalisent leur propre importance pour façonner notre société interconnectée, leur possible utilité sociale advenant leur réussite académique. J’ai pu aussi constater toute l’importance de la philosophie sociale en philosophie de l’éducation; une importance parfois sous-estimée et sous-mobilisée, alors que la participation étudiante au monde social et leur utilité professionnelle à nos sociétés d’écran constituent des forces mobilisatrices de l’investissement académique des étudiant.e.s. Cela ne justifie pas pour autant des usages accessoires - pour ne pas dire excessifs et détournés - de l’emploi de TICs dans certains cours universitaires : par exemple vis-à-vis de l’équilibre des tâches et du temps total passé en classe sur les écrans, une étudiante (de Wesch) confie très spontanément « Instagram/Facebook through most of my classes (…) bring my labtop (…) don’t work on my studies (…) ». Cela dit, les effets de vidéos sur les rapports entre apprenant.e.s et enseignant.e.s, sur la participation et la motivation étudiantes, sont à prendre davantage en considération, plus au sérieux; d’autant plus que persiste le préjugé technophobique selon lequel les technologies en classe seraient plus récréologiques (voire « limitatives » pour les apprentissages) que pédagogiques (donc aidantes pour mieux solliciter et garder motivé.e.s les étudiant.e.s; et ainsi à les aider à apprendre plus et autrement). S’agissant d’effets des vidéos, l’effet de l’intervention de Wesch a rejoint notre pratique d’enseignement, tout en nous renvoyant à certaines de nos recherches en la matière : http://www.ccic-cerisy.asso.fr/posthumain16.html
[3]Fort de sa méthode anthropoéthique (basée sur une trilogie pédagogique remplaçant un projet de Manuel pédagogique pour écoliers, enseignants et citoyens), la sociologue français de l’éducation, Edgar Morin (2008 : 269-294) propose - en résumé - de « mieux intégrer ce qui existe et introduire ce qui n’existe pas », de rééduquer les éducateurs, d’« enseigner à relier et non à séparer », de fournir des connaissances sans enseigner ce qu’est la connaissance, de relier entre elles les connaissances (relier la connaissance abstraite à son référent concret), d’aspirer à une « connaissance multidimensionnelle », d’enseigner à s’attendre à l’inattendu et d’enseigner que la connaissance de soi est une nécessité interne (pour comprendre autrui, il faut se comprendre), d’enseigner au risque et de l’erreur et de l’illusion intrinsèque à la connaissance; bref, confie-t-il dans ses Entretiens avec Djénane Kkareh Tager, il s’agirait « de sensibiliser aux ambiguïtés, aux ambivalences, à l’écologie de l’action, à l’affrontement d’inévitables contradictions (…) d’échapper à la pensée binaire et mutilante qui est partout aux commandes » (2008 : 286). Cette binarité n’échappant pas à la pensée pédagogique et didactique, l’affrontement de ces problèmes fondamentaux apparaît capital pour l’éducation du futur et l’Université de demain, pour renforcer la capacité de l’Université à s’adapter à ses acteurs et à leur manière d’apprendre (numérique, mais pas seulement). Ces orientations éthiques et philosophiques souhaitables pour l’apprenant.e et pour l’enseignant.e du XXIe siècle, pour l’harmonisation de leurs rapports par-delà le décalage de leur aisance face au numérique, nous semblent en effet centrales et constituent des réponses pour le moins complémentaires à l’anthropologie culturelle de l’enseignement numérique.

L'évolution de l'université

Introduction/Contextualisation :

Je ne saurais dire dans quelle mesure je me sens interpellé par les changements de paradigme en éducation, sans définir préalablement et minimalement la façon dont je conçois la notion de paradigme. Dans mes mots, il s’agit d’une sorte de « traque de la pensée », de modèle/discours dominant qui s’impose socialement.

Pour expliciter l’idée de changement de paradigme, dans les mots de penseurs des sciences humaines et sociales, je ferais ici rapidement l’analogie avec l’épistémè de Foucault qui, faisant apparaître des comportements libres et raisonnés comme relevant du simple réflexe plutôt que de la réflexion même, dévoile critiquement les déterminismes qui commandent nombre de nos idées et actions. Le concept d’habitus (Bourdieu) me semble aussi utile pour comprendre ce paradigme implicite qu’est le déterminisme social (qui peut être à l’œuvre tant dans nos idées que dans nos actions en éducation et ailleurs). Ce déterminisme passerait par la reproduction de la formation sociale, c’est-à-dire d’un système de rapports de force et de sens entre des groupes et des classes au sein d’une institution scolaire, d’une société, etc.

Ces deux concepts[1] (paradoxalement devenus paradigmatiques à leur tour) sont en effet des outils pédagogiques et critiques certains, avérés, pour nous aider à décrypter la construction sociale de nos représentations et de nos pratiques en éducation Pour nous aider à mieux prendre conscience de ce que nous pouvons prendre parfois comme des évidences, des normativités scientifiques (en négligeant les influences du pouvoir à l’œuvre derrière ce qui se présente comme une rupture ou une révolution scientifique). Ainsi, ces outils sont aidants pour entrevoir les faux-semblants de vérités admises dans les mondes social et éducatif; pour mieux comprendre les mécanismes et stratégies du pouvoir de déterminismes invisibles, qui nous guident parfois aveuglément dans ce que nous pensons être nos choix d’idées ou d’actions.

Les évidences pouvant être véhiculées dans les changements de paradigme supposés en éducation m’interpellent alors en premier lieu par les questions épistémologiques qu’ils posent et par la remise en cause de présupposés théoriques et pratiques qu’ils impliquent.

Billet :

Malgré le galvaudage de la notion de paradigme et pour autant que je puisse en parler ici (à partir de ma double formation académique[2] et de mon expérience professionnelle communautaire et pédagogique), je me sens particulièrement interpellé par la certitude de certains changements de paradigme annoncés en éducation.

Si nous cautionnons l’hypothèse radicale du désintéressement général des étudiant.e.s par l’Université (et déjà des enfants par l’école), cela parce qu’ils/elles seraient démuni.e.s pour affronter l’avenir avec les seules « méthodes du passé » (quadrature du cercle dont parle Ken Robinson en début de vidéo, 2010). Cela ne nous laisse guère d’autre choix que d’entériner du même coup la conclusion de la nécessité d’un changement de paradigme éducatif. Certes, la « logique déductive » éducative (logique d’évaluation des compétences intellectuelles/académiques par la seule réussite scolaire/universitaire, voulue par la « maîtrise des humanités ») doit faire l’objet de critique : particulièrement en ce qu’elle ne permet pas - et ne peut permettre - le « réveil de ce qu’il y a en eux » (d’étudiant.e.s qui n’y « croient plus »); cela bien qu’un éveil artistique serait pourtant fort utile à leur « raccrochage scolaire/universitaire ».

Cela dit, autant il est très pertinent de pointer la pertinence du développement artistique chez les étudiant.e.s/jeunes sujet.te.s au décrochage[3], autant on peut se mettre à risque de présentisme : si l’on cherche à promouvoir les arts (certes plus victimes d’une mentalité épidémiologique aujourd’hui) en mettant sur le même plan les défauts de ladite logique déductive passée (intelligence/scolarité) avec les excès de l’actuelle mode médicale (générant par exemple une certain inadaptation de la réponse scolaire/universitaire aux réels besoins d’étudiant.e.s vivant avec un TDAH). La littérature consultée à ce sujet nous permet de définir la notion de présentisme comme la tendance d’envahissement de l’histoire par le seul présent, de l’incapacité à penser par le passé, mais aussi l’avenir autrement qu’à partir du présent (Hartog, 2003; Rushkoff, 2013; Wieviorka, 2013). Ces risques d’uniformisation de l’évaluation (sans mieux tenir compte de spécificités relatives au décrochage scolaire/académique) ont participé - et participent toujours - à l’adoption de changements de paradigme pédagogique en éducation.

Cela dit, cette « épidémie fictive » contemporaine envers les étudiant.e.s vivant avec un TDAH[4] ne génère pas de réponse éducative vraiment adaptée à leurs réalités et besoins, ni satisfaisante de leur point de vue. Comme ancien intervenant scolaire dans une école défavorisée de Côte-des-neiges (dans le cadre du programme du SPVM « Mini-poste » auprès de jeunes décrocheurs supposés), après avoir visionné cette vidéo, je me suis senti d’abord très interpellé par l’actualité critique de la persistance - et de l’inadaptation - de cette logique socio-sanitaire (dénoncée par Robinson); une logique toujours et plus que jamais à l’œuvre dans l’apprentissage des jeunes/étudiant.e.s avec un TDAH (des jeunes que l’on sait pourtant particulièrement vulnérables et sujets à la déconcentration).

En conséquence, il ne faut ni s’étonner que la courbe des tests de connaissances suit celle du développement des TDAH (Robinson), ni du fait que la proposition pédagogique visant un changement paradigmatique tend vers la pensée divergente/latérale (et le développement de l’aptitude à considérer les questions sous plusieurs angles). Cette ouverture à la diversité des intelligences et des réponses des institutions scolaires et académiques me paraît une piste de solution d’apprentissage adaptée aux étudiant.e.s concerné.e.s par le TDAH. Elle représente une certaine marge de liberté - de créativité - laissée à ces jeunes et, avec elle, une modalité d’évitement de la « pensée unique » et de l’application systématique de l’évaluation de l’intelligence par les seules connaissances.

Les effets psychosociaux dans des contextes de formation et de travail par exemple de l’adoption de dispositifs d’accompagnement basés sur la pratique réflexive et sur la créativité, donc sur la présence attentive (mindfulness), ont fait l’objet de publications qui ont contribué au tournant paradigmatique souhaitable en pédagogie et en didactique. Il en va de la construction d’un langage commun entre enseignant.e.s et de la consolidation de leur identité professionnelle. Parmi les publications des membres du GRIPA de l’UQAM, nous référons notamment aux travaux de Karine Rondeau (2015).

Enfin, tenir compte de particularités et de besoins spécifiques des apprenants m’interpelle davantage, parce qu’il s’agit d’une réponse intelligente/adaptée aux supposées mutation et normalisation des écoles en usines (Robinson). En opposition au productivisme et au conformisme scolaires, à la médicalisation de l’évaluation scolaire et à l’atomisation que génère une culture de l’institution scolaire (au sens où le système scolaire/académique actuel anéantirait la créativité selon Robinson), je me suis senti également interpellé par l’idée d’apprentissage groupal par la coopération, qui rejoint de près l’apprentissage éthique de la coopération (Sennett, 2014).

Bibliographie :

Bourdieu, P. (1979). La distinction : critique sociale du jugement. Paris : Minuit.

Bourdieu, P. (1980). Le sens pratique. Paris : Minuit.

Foucault, M. (1966). Les mots et les choses : une archéologie des sciences humaines. Paris : Gallimard.

Foucault, M. (1969). L’Archéologie du savoir. Paris; Gallimard.

Hartog, F. (2003). Régimes d’historicité : présentation et expériences du temps. Paris : Seuil.

Robinson, K. (2010). « Changing education paradigms ». Récupéré de https://www.youtube.com/watch?v=e1LRrVYb8IE

Jutras, F. et Rondeau, K. (2015). « Le journal réflexif comme outil de construction identitaire ». Apprendre et enseigner aujourd’hui, 4(2), 28-32. Récupéré de https://fr.calameo.com/read/001898804c4aadbe1cd73

Rushkoff, D. (2013). Present Shock. When everything happens now. New York : Penguin Group.

Sennett, R. (2014). Ensemble. Pour une éthique de la coopération. Paris : Albin Michel.

Wieviorka, M. (2013). L’impératif numérique ou La nouvelle ère des sciences humaines et sociales?. Paris : CNRS.



[1] Le concept d’épistémè renvoie aux travaux de Foucault (1966, 1968) et celui d’habitus à ceux de Bourdieu (1979, 1980).
[2]  J’ai complété la scolarité d’un doctorat en philosophie avant d’obtenir un doctorat en sociologie.
[3] On connaît les effets de la participation de jeunes issu.e.s d’un milieu défavorisé au « garage à musique » du Dr Gilles Julien par exemple. Personnellement, j’ai pu constater les effets - notamment les bienfaits - du programme artistique d’empowerment testé chez des femmes vulnérabilisées ayant subi diverses formes de violence (et fréquentant des organismes communautaires venant en aide aux femmes), « Aux arts, citoyen.ne.s » (2015-2017) : http://www.creacc-diversites.org/fr/activites/aux-arts-citoyen.ne.s/ Cela pour illustrer la force du pouvoir des arts tant dans le raccrochage à la vie sociale (pour ces femmes) que dans de la vie scolaire (pour ces jeunes).
[4] L’idée d’épidémie fictive (Robinson, 2010) se base sur l’hypothèse selon laquelle une « mode médicale » pousserait le diagnostic du « manque de concentration » sur des sujets obligatoires inscrits au curriculum scolaire/universitaire. On peut sans doute d’autant plus parler d’« épidémie » que cette mode diagnostique scolaire perdure tout en sachant les étudiant.e.s vivant avec un TDAH être particulièrement vulnérables à la captation de leur attention par tous les supports existants et possibles (TICs, applications de messagerie, etc.).